Durant ces prochaines semaines, nous vont proposons une série de 4 articles sur le crack à Bruxelles.
Dans le premier article, nous avons exploré les origines du crack, l’ampleur du phénomène et ses liens avec la précarité urbaine. En troisième semaine, il sera question des réponses actuelles mises en place en Belgique et à Bruxelles au phénomène d’usage de crack. Enfin, nous évoquerons dans un dernier article les pistes de solutions à mettre en œuvre pour envisager une meilleure prise en charge sociétale de la situation.
Dans cet article, il sera question des effets de la cocaïne fumée et de ses risques physiques, mentaux et sociaux.

Les effets de la cocaïne fumée
En sniff, la cocaïne met quelques minutes pour faire effet. Son action dure ensuite entre 30 et 60 minutes, puis disparait progressivement. Avec le crack, l’effet est instantané et plus puissant, mais dure moins longtemps (quelques minutes)1. Tout est plus intense, mais également beaucoup plus éphémère, et la descente très pénible. L’usager ressent alors à nouveau une envie de consommer pour masquer les effets de la descente. Ce dernier peut alors passer sa journée à acheter, consommer, trouver de l’argent, acheter à nouveau, consommer à nouveau, etc. Mis bout à bout, ce sont parfois des centaines d’euro qui sont dépensés par jour !
Conséquences sanitaires et sociales
La consommation de crack a des conséquences importantes au niveau sanitaire. Pour la santé des usagers d’abord.
Risques physiques :
La cocaïne, sous forme de crack ou de poudre, stimule fortement le système cardiovasculaire, ce qui peut entraîner une hypertension artérielle et donc augmenter le rythme cardiaque. La cocaïne provoque en parallèle une vasoconstriction des artères, notamment des artères du cœur, les coronaires. Ces deux phénomènes combinés augmentent de manière significative le risque d’infarctus du myocarde2. Par ailleurs, chez des personnes à risques, l’augmentation de la tension artérielle peut entraîner des dissections de l’aorte ou encore des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
L’inhalation de la fumée lors de la consommation de crack peut provoquer des lésions pulmonaires, variées, comme des œdèmes, des hémorragies alvéolaires, une pneumonie à éosinophiles ou des pneumothorax. La consommation de crack peut également provoquer un syndrome rare mais très sévère, le « crack lung », caractérisé par des atteintes diffuses des alvéoles pulmonaires, des hémorragies et un œdème pulmonaire. Les personnes qui en souffrent ressentent des douleurs thoraciques, des difficultés à respirer et présentent parfois des épisodes d’hémoptysies (crachent du sang). Il s’agit d’une urgence qui nécessite bien souvent une oxygénothérapie3.
Le risque d’infection par le virus de l’hépatite C ou le HIV est présent en cas de partage de pipe à crack entre différents usagers4. C’est pour cette raison que des pipes à crack propres sont distribuées aux consommateurs.
Risques psychologiques/psychiatriques:
L’usage de crack provoque très régulièrement des symptômes d’allures psychiatriques, comme de l’agitation, de l’agressivité, de l’anxiété, des hallucinations visuelles ou auditives, des symptômes de paranoïa5. Souvent, ces symptômes disparaissent après l’usage, remplacés par les signes de la descente (état dépressif, anxiété, fatigue).
La répétition des prises de crack, comme pour la cocaïne, provoque une modification durable du fonctionnement du cerveau : on observe une augmentation de la compulsion à consommer et une diminution de la capacité l’inhibition du système nerveux central6. En d’autres termes, avec le temps, malgré l’augmentation des effets négatifs de la substance, l’envie de consommer est ressentie comme plus forte, et la capacité de résister à cette envie est réduite.
Même après des séjours résidentiels de longue durée (post-cure), le risque de rechute est très grand. Dès qu’ils quittent l’hôpital, les usagers sont très rapidement contactés par des dealers, renouent avec des amis consommateurs, fréquentent à nouveau les scènes habituelles de consommation. Ces situations « rallument » instantanément l’envie de consommation, comme un réflexe.
Plus la manière de consommer la cocaïne provoque un effet rapide et court, plus le risque d’addiction est grand. C’est donc pour cette raison que les consommations par inhalation (crack) ou en intraveineuse sont les plus addictogènes.
Risque social :
Chez les usagers réguliers de crack, les conséquences sociales sont très importantes, marquées par un phénomène de désaffiliation7. Chez ceux qui travaillent, l’addiction au crack affecte leurs capacité physiques et mentales. Le respect des horaires, des tâches à effectuées sont de plus en plus difficile à tenir quand la dépendance s’installe. Le quotidien devient alors rythmé par les consommations, la récupération de la consommation, la recherche d’argent « rapide, etc. Les relations sociales se transforment : les liens avec les personnes non-consommatrices se distendent, remplacés par le réseau de consommation.
La grande majorité des personnes usagères de crack vivaient déjà dans la précarité avant leur addiction, mais cette dernière amplifie bien souvent leurs vulnérabilités. Les personnes qui avaient quelques biens les vendent, celles qui avaient un logement le perdent rapidement, etc. Cette dégringolade sociale peut alors s’apparenter à un « traumatisme social ».
La vie dans la rue, la consommation dans les espaces publics, accentuent un phénomène de stigmatisation, de mise à l’écart sociale, l’autre face d’un sentiment d’insécurité vis-à-vis du phénomène dans la société.
- Crack à Bruxelles : mieux comprendre la crise actuelle et ses défis socio-politiques (4/4)
- Crack à Bruxelles : mieux comprendre la crise actuelle et ses défis socio-politiques (3/4)
- Crack à Bruxelles : mieux comprendre la crise actuelle et ses défis socio-politiques (2/4)
- Crack in Brussel: inzicht in de huidige crisis en haar sociaal-politieke uitdagingen (1/4)
Sources :
1. Jenkins, A. J., Keenan, R. M., Henningfield, J. E. & Cone, E. J. Correlation Between Pharmacological Effects and Plasma Cocaine Concentrations after Smoked Administration. J. Anal. Toxicol. 26, 382–392 (2002).
2. Pergolizzi, J. V., Magnusson, P., LeQuang, J. A. K., Breve, F. & Varrassi, G. Cocaine and Cardiotoxicity: A Literature Review. Cureus 13, e14594.
3. Haim, D. Y., Lippmann, M. L., Goldberg, S. K. & Walkenstein, M. D. The Pulmonary Complications of Crack Cocaine: A Comprehensive Review. CHEST 107, 233–240 (1995).
4. Shannon, K. et al. HIV and HCV Prevalence and Gender-Specific Risk Profiles of Crack Cocaine Smokers and Dual Users of Injection Drugs. Subst. Use Misuse 43, 521–534 (2008).
5. Blaise, M. & Arends, C. Disparaître dans le crack pour subsister:Approche clinique phénoménologique et psychopathologique de l’addiction au crack. Psychotropes 29, 79–103 (2023).
6. Koob, G. F. & Volkow, N. D. Neurobiology of addiction: a neurocircuitry analysis. Lancet Psychiatry 3, 760–773 (2016).
7. Synthèse des principaux résultats de l’étude Crack en Île-de-France – OFDT. https://www.ofdt.fr/publications/collections/resultats/synthese-des-principaux-resultats-de-letude-crack-en-ile-de-france/.